Les voix d'hommes


Connaissance de la musique    Première année

Les castrats

Chanteurs qui subissaient la castration avant la "mue" afin qu'ils conservent le registre aigu de leur voix. L'opération de la castration (ablation des glandes génitales) n'arrêtait pas la croissance qui se déroulait normalement mais le développement du larynx était, par contre, stoppé. Sous l'influence des chants d'eunuques, fort répandus dans le monde islamique, l'Espagne va favoriser le chant des castrats.

Au XVIe siècle, les femmes n'étant pas admises à chanter dans les églises, elles sont remplacées par des castrats. Les enfants sont recrutés entre 8 et 12 ans – avant la puberté – dans des familles pauvres rétribuées. La castration est effectuée en Italie, soutenue par les gens d'église.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, ces voix connaissent un très grand succès auprès du public, surtout en Italie, auprès du public amateur d'opéra.

C'est en 1770 que le pape Clément XIV interdit la castration et permet aux femmes de chanter dans les édifices religieux. Au XVIIIe siècle, le plus célèbre des castrats est Carlo Broschi dit Farinelli. Le dernier castrat Alessandro Moreschi mort en 1922. Les castrats disparaissent définitivement au début du XXe siècle.
Il y a une dizaine d'années, dans les caves du Vatican, ont été retrouvés des disques en cire. Ces disques contenaient les enregistrements des interprétations d'Alessandro Moreschi qui a été le dernier castrat. C'est le seul témoignage enregistré (entre 1902 et 1904) existant au monde.


Carlo Broschi dit Farinelli

Pour en savoir plus sur les castrats :

Suivant la définition du Robert, c'est un "individu qui a subi la castration". Il s'agit en fait d'un chanteur mâle dont on a dès l'enfance, c'est-à-dire avant la mue, ôté ou neutralisé par intervention chirurgicale la partie glandulaire de l'appareil génital dans le but de prévenir l'apparition de l'hormone mâle à l'origine de la puberté et les transformations physiologiques qui en résultent. Ainsi l'allongement des cordes vocales d'environ 60%, qui fait baisser la voix des garçons, n'a-t-il pas lieu après la castration. Le larynx ne grandit pas; le cartilage thyroïdien ne durcit pas, tandis que la capacité thoracique, au contraire, croît amplement, de même que les résonateurs actionnés par la technique du chant. Cette disproportion entre l'organe et le résonateur permettait aux castrats de combiner puissance et agilité avec un naturel prodigieux.

En 1909, deux anatomistes ont pu procéder en Italie à l'autopsie d'un castrat âgé de vingt-huit ans. Selon leur rapport, la pomme d'adam était imperceptible, le larynx minuscule et les cordes vocales, longues de 14 millimètres, équivalentes à celles d'une soprano colorature.

D'après plusieurs examens et enquêtes, la corpulence des castrats observés entre le XVIIème et le XIXème siècle était supérieure à la moyenne, leur teint plutôt pâle, leur chevelure abondante mais le système pileux absent.


Alessandro Moreschi

Alessandro Moreschi

L'origine des castrats coïncide avec l'arrivée des Arabes en Espagne. En effet, dans la culture Nord-africaine et du Moyen-Orient les Harems étaient gardés par des eunuques. A la différence des Castrats, on opérait à l'ablation totale de leurs attributs sexuels mâles (pénis et testicules). Certains eunuques, mutilés avant la puberté, s'exerçaient au chant et furent remarqués par des ecclésiastiques de l'époque. Les femmes n'étant pas acceptées dans les chœurs et chorales des paroisses, les pupitres d'alto et de soprano étaient chantés par des enfants ou des hommes, contre-ténors.

La présence des castrats, à la voix d'une pureté jamais égalée et d'une agilité hors-norme, a rapidement intéressé les autorités religieuses. C'est alors que le "phénomène" se répandit rapidement dans toute l'Italie, partant du Vatican, puis dans toute l'Europe. L'existence même des castrats suscitait de vive controverses au sein du Vatican, car la castration de jeunes enfants restait un acte ignoble et officiellement condamnée par l'église mais la demande du public et des fidèles de l'église fut telle, que l'on mit en place des structures officielles pour former ces enfants : les "conservatoires".

Des parents n'hésitaient pas à faire mutiler leurs enfants pour subvenir à leurs besoins et offrir à leur progéniture une vie meilleure. On n'hésitait pas à trouver un prétexte médical pour opérer : chute de cheval, hernie inguinale ... Mais les suites de l'opération étaient souvent fatales. Les archives donnent entre 20% et 80% de décès, selon les praticiens. Parfois, la vie de ces enfants était confiée à de simple barbier, qui en avaient fait leur spécialité. Les enfants à la voix prometteuse étaient "castrés" vers l'âge de 10-12 ans, avant la puberté. Plusieurs techniques étaient employées selon les régions et les moyens. Dans le meilleur des cas, les praticiens ligaturaient les canaux testiculaires en faisant une incision dans l'aine quand d'autres pratiquaient en ébouillantant les bourses et d'autres n'hésitaient pas à pratiquer une ablation totale des testicules. Autant dire que l'opération était un traumatisme inaltérable pour l'enfant. A l'époque, le seul moyen de soulager la douleur pendant l'opération était d'arrêter la circulation sanguine au niveau des carotides pour que l'enfant s'évanouisse et de le plonger dans un bain de glace !

Ces jeunes castrats, qui survivaient à l'opération, étaient confiés à un maître de chant. Ils étaient totalement pris en charge par le conservatoire. Les castrats bénéficiaient de bien plus de privilèges que les autres élèves musiciens, instrumentistes. On se souciait particulièrement de leur santé car l'investissement était lourd. Mais le travail était important : levés à 5 h du matin et couchés à 22 h le soir. Leurs journées étaient rythmées par les prières et les vocalises.

 

Malheureusement, tous n'atteignaient pas un niveau suffisant pour connaître la gloire et la fortune. Certains castrats pouvaient perdre leur voix tant appréciée, même parfois muer légèrement. Ils étaient alors "utilisés" comme alto dans des chœurs d'églises de campagne. (Plus douloureuse était cependant la situation d'enfants "réservés" à la prostitution !). Pour ceux dont la voix était à la hauteur des espoirs des maîtres de chant, la fortune était assurée. Ils se produisaient dans les théâtres dans toute l'Europe. Ils étaient prisés par la royauté d'Espagne, de France et d'Angleterre. Les compositeurs leurs proposaient des rôles héroïques dans les opéras. Ils étaient adulés et ils avaient un succès certain auprès des femmes.


Giovanni Carestini

Girolamo Crescentini

Les castrats ont régné pendant deux siècles dans le monde lyrique avant de disparaître définitivement au XIXème siècle avec l'avènement des droits de l'homme (le dernier castrat Alessandro Moreschi, mourut au début du XXème). Pendant cette période, ils ont éclipsé ces hommes qui chantaient en voix de fausset : appelés aujourd'hui contre-ténors. Certains d'entre eux d'ailleurs, se faisaient passer pour des castrats afin d'obtenir une place dans un chœur ou un petit rôle à l'opéra. Même si certains avaient une capacité vocale extraordinaire, ils ne pouvaient rivaliser avec les castrats. Aujourd'hui, il reste les écrits et un enregistrement du seul castrat ayant gravé sur disque de cire, pour attester de l'agilité, du souffle, de l'étendue vocale extraordinaire dont étaient dotés les castrats. (Philippe Bachelet)

Quelques castrats célèbres : Baldassare Ferri (1610-1680) - Giovanni Grossi dit Siface (1653-1697) - Francisco Pistocchi (1659-1726) Nicolo Grimaldi dit Nicolini (1673-1732), créateur du Rinaldo de Hændel Antonio Bernacchi (1685-1756) Francesco Bernardi dit Senesino (?-1759), chanteur pour Hændel dans les années 1720. Giovanni Carestini (v. 1704-1760), chanteur pour Vinci puis pour Hændel en 1734-1735. Carlo Broschi dit Farinelli (1705-1782), chanteur pour Porpora, Vinci et Hasse. Domenico Annibali, dit Domenichino, (1705 - 1779), chanta pour Hændel et Hasse. Gætano Majorano dit Caffarelli (1710-1783), chanteur pour Porpora, Hasse, Pergolesi et Hændel en 1737-1738. Felice Salimbeni (1712-1752), chanteur pour Porpora, Graun et Jommelli. Giaocchino Conti dit Gizziello (1714-1761), chanteur pour Hændel en 1735-1737. Mariano Nicolini dit Marianino (c. 1715–58), chante pour Vivaldi, Giacomelli et Pergolesi. Manzuoli, Giovanni (1720 - 1782), chante pour Vivaldi, Leo et Mozart. Gætano Guadagni (1729-1792), créateur du rôle titre d l'Orfeo de Gluck - Girolamo Crescentini (1762-1846). Giovanni Velluti (1780-1861), chante pour Rossini. Alessandro Moreschi (1858-1922). 

L’ère des castrats fait partie des plus brillantes et des plus remarquables de l’histoire de la musique européenne. Rarement une telle perfection du chant virtuose ne fut atteinte comme ce fut le cas à l’apogée du baroque. L’art légendaire des castrats n’a cessé jusqu’à aujourd’hui de rayonner par-delà les siècles, expliquant, en dépit de l’immense sacrifice humain sur lequel il repose, une confrontation sans cesse renouvelée avec cette époque à tous égards exceptionnelle. 

Pendant plus de deux cents ans, on ne put concevoir, dans les métropoles musicales européennes, de renoncer à la virtuosité des castrats, omniprésents, autrement dit d’hommes qui durant leur jeunesse, à la suite d’une opération, s’étaient vu dérober leur sexe et de ce fait leur identité, leur équilibre psychologique et toute possibilité de vie selon une voie bien tracée, l’intention étant de faire de ces enfants mutilés des instruments de musique d’une splendeur sans précédent

 

Haute-contre

La voix de haute-contre, à la différence de celle des castrats, repose sur une technique bien particulière dans l'émission sonore. Il s'agit de ne faire vibrer les cordes vocales que sur une partie de leur longueur. Il en résulte un timbre sans vibrato. Le répertoire des hautes-contre est orienté vers les œuvres religieuses et les opéras des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles surtout.

Philippe Jaroussky
Alfred Deller
James Bowman

Quelques hautes-contre et contre-ténors célèbres :

James Bowman, Charles Brett, Max-Emmanuel Cencic, David Daniels, Paul Esswood, Alfred Deller, Philippe Jaroussky, Gérard Lesne, Klaus Nomi, Andreas Scholl, Alexis Vassiliev...

 

Ténor


Rolando Villazón

Roberto Alagna

* Ténor léger : C'est la voix d'homme la plus aiguë, à l'exception des voix de haute-contre. Les ténors ont un timbre clair, des vocalises faciles dans l'aigu. Ils se rencontrent souvent dans le répertoire français : Léopold dans La Juive d'Halévy, Nadir dans Les Pêcheurs de perles de Bizet. Mozart utilise beaucoup la voix de ténor dans ses opéras, c'est le Tamino de la Flûte enchantée, Ottavio de Don Giovanni. C'est également le comte Almaviva du Barbier de Séville de Rossini…

* Ténor lyrique : Il est doté d'un timbre plus riche que le ténor léger et privilégie lui aussi la beauté de la ligne vocale sur l'intensité dramatique. C'est la voix de l'amoureux romantique par exemple le Duc de Mantoue dans le Rigoletto de Verdi, Alfredo dans La Traviata de Verdi, le Faust de Gounod….
Ce sont les rôles valorisant.

Luciano Pavarotti
Enrico Caruso
Placido Domingo

Quelques ténors célèbres

Roberto Alagna, Marcelo Alvarez, Carlo Bergonzi, Enrico Caruso, Mario del Monaco, Placido Domingo, Juan-Diego Flores, Nicolaï Gedda, Jonas Kauffmann, José Luccioni, Luciano Pavarotti, Georges Thill, Alain Vanzo, Rolando Villazón…

Baryton

La voix de baryton se situe au milieu de l'échelle vocale masculine. Elle se divise en deux catégories :

- Baryton : Il a une voix chaude, prenante, parfois suave. C'est l'exemple de Papageno dans La Flûte enchantée, de Marcello et de Schaunard  dans La Bohème,  de Figaro dans Le Barbier de Séville…..

- Baryton-basse : Elle est plus grave, associe la chaleur et la puissance du timbre de baryton à la profondeur et au caractère solennel de la voix de basse. Le baryton-basse ne chante pas les extrêmes, ni l'aigu du baryton, ni le grave de la basse. Il reste dans le médium. Ce sont les rôles de Don Giovanni et celui de Figaro dans les Noces de Figaro de Mozart par exemple. Il chante souvent les rôles de méchant.

Dietrich-Fischer Dieskau
Laurent Naouri
Alain Fondary

Quelques barytons célèbres

Gabriel Bacquier, Michel Dens, Dietrich-Fischer Dieskau, Alain Fondary, Nicolaï Ghiaurov, Tito Gobbi, Robert Massart, Laurent Naouri, Gino Quilico, Ruggero Raimondi, Gérard Souzay, Bryn Terfel (baryton-basse), José Van Dam (baryton-basse)….

 

Basse

Ce sont les voix les plus graves. Leur voix puissante semble résonner depuis le plus profond d'une caverne.


Maxim Mikhaïlov

Matti Salminen

Il y a deux catégories de basse :

- basse chantante : C'est une voix aux aigus développés et capables d'un chant lyrique voire suave. Des exemples avec les opéras de Verdi, Philippe II dans Don Carlos, Ferrando dans Le Trouvère, Fiesco dans Simon Boccanegra….

- basse profonde ou basse noble. C'est la tessiture masculine la plus grave. Elle est courante notamment dans le répertoire russe. Sa voix solennelle et sépulcrale la désigne parfaitement pour des rôles de revenants (le Commandeur de Don Giovanni de Mozart…). Cette catégorie correspond souvent à des personnages empreints de solennité ou très âgés comme Sarastro dans La Flûte enchantée de Mozart, Ramfis dans Aïda.

Paata Burchuladze
Boris Christoff
Fedor Chaliapine

Quelques basses célèbres

Jules Bastin, Paata Burchuladze, Paul Cabanel, Feodor Chaliapine, Boris Christoff, Xavier Depraz, Nicolaï Ghiaurov, Hans Hotter, Tom Krause, Maxim Mikhaïlov, Kurt Moll, René Pape, Samuel Ramey, Paul Robeson, Michel Roux, Matti Salminen….

 

Bryn Terfel (baryton-basse) Kurt Moll
Samuel Ramey

 

 


Audition

 

- castrat :
(♫) Domine salvum pontificem - Alessandro Moreschi

 

- contre ténor :
(♫) Music for the while - Philippe Jaroussky
(♫) Dall' ondoso periglio - Andreas Scholl

 

- ténor :
(♫) L'ara o l'avello oppestami (Luisa Miller) - Rolando Villazón
(♫) La fleur que tu m'avais jettée (Carmen) - Luciano Pavarotti
(♫) La donna e mobile (Rigoletto) - Roberto Alagna

 

- baryton :
(♫) Die schöne Müllerin (La belle meunière) - Dietrich Fischer-Dieskau

 

- basse chantante:
(♫) Aria de Pizarro (Fidelio Opus 72) - Boris Christoff

 

- basse profonde :
(♫) Po kikim Stepiam Zabaïkala - Traditionnel russe

 

Voir le CD Voix d'hommes - Coups de coeur