Instruments à vent


Connaissance de la musique    Première année

L'orgue

Histoire de l'orgue

L'Antiquité gréco-romaine connaissait l'orgue : On fait remonter son origine à l'Hydraulos, inventé par l'ingénieur d'Alexandrie Ktesibios. Des pompes à eau permettaient d'obtenir une pression d'air constante. Pendant la période romaine, des instruments puissants étaient utilisés avec sans doute un rôle de sonneries lors des jeux du Cirque. Mais d'autres instruments plus raffinés, dont certains nous sont partiellement parvenus, pouvaient être joués dans le cadre de théâtre ou de maisons aristocratiques.
Disparu d'Occident au Ve siècle, il continue à être utilisé dans l'Empire byzantin et de là il est transmis dans le domaine oriental.

Durant la période carolingienne (VIIIe-IXe siècle), plusieurs instruments sont offerts à l'empereur et, à partir du Xe siècle, des facteurs d'orgue commencent à parcourir l'Europe. Des instruments de taille imposante commencent à résonner dans certaines églises prestigieuses. L'orgue de l'abbaye de Winchester est alors décrit comme un des plus imposants.

Orgue XIVe
Orgue portatif
Musée des Augustins
Toulouse - XIVe

Au XIe siècle, Le traité du moine Théophile "Diversarum Artium Schedula" décrit toutes les étapes de la construction d’un orgue d’église. L'instrument décrit est actionné par un système de tirettes et permet l'utilisation de bourdons. La pression d'air est maintenue par des outres remplies d'air foulées au pied. Les apports technologiques des XIIIe et XIVe siècles amènent un instrument nouveau, résultat de multiples expérimentations. Un clavier remplace les tirettes, des soufflets les outres. Un modèle portatif, peut-être conçu à l'origine comme une "maquette" permettant les expériences, apparait de plus en plus fréquemment. Parallèlement, les instruments installés dans les tribunes des cathédrales prennent une taille de plus en plus imposante.

A la fin du XVe siècle, de nombreuses églises arrivent à financer la mise en place de leur instrument. Depuis le IIIème siècle avant J.C., l'orgue est un instrument complexe, tout à fait particulier, qui comporte à la fois :
- une ou plusieurs rangées de tuyaux sonores,
- un sommier pour emmagasiner le vent et porter les tuyaux,
- une soufflerie mécanique, à pompe ou à soufflet,
- un clavier pour diriger le vent vers tel ou tel tuyaux.
Dès le XVIIIe siècle, le moine bénédictin Dom Bedos de Celles dressait une étude approfondie de l'histoire et de la fabrication des orgues. Celle-ci conserve tout son intérêt : lui-même, ou ses maîtres, avait eu accès à des instruments remontant à la période médiévale, aujourd'hui disparus.

Hydraule
Mosaïque d'une villa romaine
de Nenning près de Trèves
IIe siècle après J. C.
Orgue antique
Reconstitution d'une terre cuite
trouvée à Tarse et
datant probablement
d'avant notre ère.
L'hydraule :

Ancêtre de l'orgue classique, l'hydraule comporte une cuve hexagonale, deux pompes dont le mécanisme n'apparaît pas et des tuyaux stylisés. Un joueur de cor accompagne l'organiste.

La naissance du premier ancêtre de notre orgue classique peut être datée et attribuée avec une quasi-certitude. Elle remonte à la première moitié du IIIe siècle av. J. C.
Pendant qu'à Syracuse Archimède criait sans doute "Eurêka" pour avoir découvert une loi essentielle de la mécanique des liquides, c'est à Alexandrie, la plus grecque des villes hellénisées d'Egypte, que l'ingénieur Ktésibios prenait conscience de l'élasticité de l'air et lui trouvait une série d'applications pratiques : pompe à cylindre, horloge à eau, orgue hydraulique, "hydraule", etc.
Ce dernier doit davantage, semble-t-il, à des préoccupations scientifiques qu'à un souci proprement musical.
Il résulte de la synthèse du syrinx (rangée de tuyaux sonores d'inégales longueurs donnant à l'origine une modeste gamme) avec quatre éléments nouveaux :
- soufflerie (à pompe),
- régulation hydraulique du "vent",
- jonction de ce vent avec des tuyaux par l'intermédiaire d'une caisse (sommier),
- système mécanique composé d'une commande (clavier), d'une glissière obturatrice et d'un ressort de rappel.

Un cinquième élément fut introduit très tôt, sinon par le même inventeur, au plus tard dès le premier siècle av. J. C. Il s'agit du système de commande par quadrillage, permettant de juxtaposer des séries parallèles de tuyaux. Il semble que ce système, perdu par le haut Moyen Age, ait été redécouvert par la facture d'orgue classique.

Le mécanisme :
C'est grâce à Héron d'Alexandrie (IIIème siècle av. J.-C.) que le mécanisme nous est connu.

Le vent :
La soufflerie comporte deux éléments :
- une pompe à cylindre fonctionnant avec un grand levier. D'après l'iconographie ancienne, l'hydraule a toujours deux pompes. Souvent de jeunes garçons les actionnent. Parfois, l'absence de souffleurs représentés donne à penser qu'un système de pédales actionnées par l'organiste avait été imaginé : les pompes restent régulièrement représentées de part et d'autre.
- un réservoir régulateur de pression fait d'une cloche (ou "pnigée") alimentée en air à sa partie supérieure par la pompe et immergée dans un bac rempli d'eau. Par la base de la cloche l'eau peut entrer et sortir, comprimant ainsi l'air qui n'a d'autre issue (l'arrivée étant fermée par une soupape) que de s'échapper vers le sommier.

Vestiges de "sommier"
Vestiges de "sommier"

Les tuyaux :
La place est prévue pour sept tuyaux, les tuyaux doivent être de tailles différentes pour produire des sons variés.
D'après l'iconographie ancienne, l'orgue antique semble en avoir compté généralement plus de sept.
On n'est pas très bien renseigné à leur sujet, mais on sait que la science acoustique était déjà très avancée, notamment depuis les travaux mathématiques de Pythagore (IIe siècle av. J. C.).
L'instrument devait être pourvu, selon l'usage qui lui était destiné, de tuyaux "à bouche" (de sonorité douce) ou "à anche" (beaucoup plus puissant).

Les transmissions :
Chaque tuyau est inséré sur un conduit dont l'ensemble joue le rôle du "sommier" actuel, qui répartit le vent. La disposition apparaît sur la photo ci-contre qui représente les vestiges réels d'un petit orgue à soufflets trouvé à Aquincum près de Budapest et daté de 228 de notre ère.

Les matériaux :
Probablement airain (bronze), bois, cuir pour les soupapes et les soufflets. Le problème des fuites d'air a dû préoccuper grandement les constructeurs antiques.

 

 

a) L'orgue portatif :

Orgue portatif
Cathédrale de Jaca
(Aragon) - XIe siècle

Orgue portatif
Cathédrale de Bourges – XVe siècle

L'orgue portatif est fréquemment représenté dans l'iconographie médiévale. Sa petite taille et son faible poids facilitent son usage : le bras gauche soutient l'instrument et active la réserve d'air, pendant que la main droite joue sur le clavier. Le musicien le pose sur le genou ou, s'il désire le jouer debout, le maintient par un baudrier. Le contact direct avec le soufflet lui permet d’influer directement sur la puissance et l'enveloppe du son : L’instrument offre ainsi des possibilités expressives comparables à celles de l'accordéon ou du bandonéon. Conçu comme un instrument d'expérimentation, il trouve vite sa place comme instrument de procession, mais également dans des usages profanes, y compris de fêtes.

Orgue portatif
Orgue portatif
Cantigas de Santa Maria
XIIIe siècle
Orgue de table
Orgue positif
Cathédrale de Burgos – XIIIe
Sainte Cécile
Sainte Cécile jouant
de l'orgue portatif

b) L'orgue positif :

L'instrument ne semble guère différent de l'orgue portatif. Du fait du plus grand nombre de tuyaux et donc du poids accru de l'instrument, il a fallu poser l'instrument. Le jeu à deux mains est permis par la présence d'un "souffleur".

 


Orgue positif
Psautier de Wurzburg - XIIIe
Orgue de table
Orgue positif
Tacuinum sanitatis in medicina XIVe
Orgue antique
Orgue positif
Bréviaire d'Alfonso V d'Aragon - XVe
Orgue de table
Orgue portatif
Paolo Veneziano – XIVe
Palazzo Venezia Rome
Orgue de table
Orgue positif
Tapisserie de "La dame à la Licorne"
Musée de Cluny - Paris

 

Anges musiciens
Anges musiciens
J. Van Eyck - XVe

c) L'orgue positif de chœur :

Il est placé sur un support, mais il peut cependant être déplacé sur un chariot. L'instrument bénéficie des apports des XIIIe et XIVe siècles : soufflets chargés de poids, touches de clavier plus étroites, "touches noires", plusieurs jeux ...

Orgue positif de choeur
Orgue positif de choeur

 

d) L'orgue de tribune :

Des orgues de grande taille installées dans une tribune sont signalées dès le Xe siècle, mais cette présence suscite l'étonnement des visiteurs.

Au XIVe siècle, on n'en trouve que dans des édifices prestigieux : ils ne diffèrent guère des orgues de chœur, mais sont installés à demeure. A la fin du siècle, ils prennent une taille imposante, certains tuyaux atteignant 32 pieds (= 9 mètres) : le nombre de tuyaux ne cesse d'augmenter, du fait de la recherche de registres variés. Au XVe siècle, leur présence se généralise.

Jusqu'au XIXe siècle, la production du vent fut assurée exclusivement par des soufflets actionnés par des aides, soit aux pieds, soit à la main et montés en série sur un canal hermétique, généralement en bois, nommé "porte-vent". Ce dernier distribuait directement le vent aux "sommiers" chargés d'équilibrer la pression et de la répartir entre les tuyaux. La pression était assurée soit par le poids du souffleur lui-même, soit par des plombs judicieusement calculés.

Soufflets
Coupe d'un orgue : soufflerie, console, sommier.
Soufflets cunéiformes actionnés à la main.
Soufflets
Soufflets actionnés aux pieds

Au XIXe siècle, on intercala entre le collecteur et les sommiers un ou plusieurs réservoirs (sortes de boîtes à fonds parallèles reliés par des plis de peau) qui pouvaient contenir plusieurs mètres cubes d'air. De nos jours, grâce aux ventilateurs électriques puissants, il n'est plus nécessaire de posséder d'importantes réserves d'air comprimé.

Frappe avec les poings
Claviers d'orgue qui nécessitaient une frappe avec les poings

Evolution : cette fois les doigts interviennent

 

 

Régale
Régale

Régale

Les régales n'ont pas de tuyaux mais des anches de métal vibrant librement.

 

Orgue de table avec son soufflet

Orgue de tribune

 

Mécanique de l'Orgue
Mécanique de l'orgue : fonctionnement interne

Tuyau : cylindre creux muni d'un sifflet ou d'une anche.

Faux sommier : planche percée de trous qui maintient les tuyaux à la verticale.

Chape : pièce de bois avec des trous qui reçoit les bases des tuyaux afin d'éviter les fuites d'air.

Registre coulissant : permet de choisir la rangée de tuyaux (jeu) et les notes que l'on veut entendre.

Ressort de soupape : ressort permettent d'ouvrir ou de fermer une soupape.

Porte-vent : tuyau qui amène l'air vers les sommiers.

Tirant de registre : mécanisme permettant d'actionner le registre.

Vergette : tringle mobile reliant la touche à la soupape.

Touche : partie du clavier sur laquelle on appuie pour produire une note.

Soupape : trappe que l'on actionne pour obtenir une note. Il y a une soupape pour chaque note pour chaque clavier.

Faux registres : guides entre lesquels on fait glisser le registre.

 

1 -Le buffet :

C'est la partie de l'instrument qu'on peut voir lorsqu'on pénètre dans une église ou une cathédrale. Souvent très ouvragée, travaillée, cette structure de bois supporte les tuyaux alignés.

Derrière vivent les autres organes essentiels de l'instrument : la console, la mécanique, les sommiers, la tuyauterie…

2 - La console :

Généralement placée au pied du buffet, elle comprend toutes les commandes des mécanismes "reliant" l'organiste aux tuyaux : claviers, pédalier, tirage de jeux, registres.

Un clavier
Trois claviers
Quatre claviers
Quatre claviers

- Les claviers au nombre de un à cinq suivant l'importance de l'instrument, comportent généralement 56 notes chacun.

- Les tirages de jeux ou registres, situés sur les côtés ou au-dessus des claviers sont tirés ou repoussés par l'organiste pour commander les jeux. Ils permettent le choix des timbres ou d'effets sonores.

- Le pédalier (ou clavier pédestre), qui comprend 32 notes, se joue au pied et donne les notes graves de l'instrument.

 

Les jeux
Chaque jeu de l'orgue porte un nom qui caractérise sa sonorité et ce jeu sera accompagné de la mention 8' s'il s'agit d'un jeu donnant les notes réelles, 16' s'il sonne à l'octave inférieure ou 4' à l'octave supérieure.
Il s'agit d'une mensuration en pieds, (33cm). Ce qui signifie que pour un jeu de 8 pieds, la hauteur du tuyau est de 2.50 m environ (8 x 33 cm)
Soit environ, pour un jeu de
- 16 pieds = 5 m
- 32 pieds = 10 m
- 4 pieds = 1. 30 m
- 2 pieds = 0.60 m.

Tout l'art de l'organiste consiste, entre autre, à mélanger plusieurs jeux de hauteurs différentes, pour étoffer la polyphonie des œuvres qu'il interprète.

 
Pédalier
Pédalier
Pédalier
Pédalier
 

3 - Les sommiers :

Chaque clavier, ainsi que le pédalier, possède ses propres tuyaux. Ces tuyaux sont dressés sur un sommier qui ressemble à une grande caisse en bois. Cette caisse est approvisionnée en air par la soufflerie (autrefois actionnée par les "souffleurs", actuellement alimentée par un ventilateur électrique).

Sommier
Sommier
 

4 - La tuyauterie :

Différents types de tuyaux d'orgue
Différents types de tuyaux d'orgue

Dans le nombre considérable de tuyaux, il ne paraît pas aisé de se repérer. Pourtant il faut savoir que l'orgue possède :
- des tuyaux à bouche en métal (étain) de forme ronde ou, en bois, de forme carrée,
- des tuyaux à anche en métal, de formes diverses.


Tuyaux à bouche
Tuyaux d'orgue "en chamade"
Tuyaux d'orgue "en chamade"
Tuyaux d'orgue "en chamade"
Eglise Saint Sulpice à Paris – grand orgue Cavaillé-Coll

 


Audition :

Voir le CD Orgues